Miren LARTIGUE Journaliste – Les Affiches d’Alsace et de Lorraine
Quels dispositifs les juges consulaires peuvent-ils activer pour prévenir les difficultés rencontrées par les entreprises ? Retour sur les échanges qui ont eu lieu au cours de la seconde édition de la Nuit du droit, organisée par le tribunal de commerce de Paris et Paris Place de droit.
«Il est plus facile pour une entreprise de surmonter ses difficultés quand elles sont appréhendées tôt». Tel est le cœur du message que le président du tribunal de commerce de Paris, Paul-Louis Netter, a souhaité transmettre au cours de cette table ronde. La première étape du dispositif de prévention à disposition des juges consulaires est «la prévention-détection», a-t-il rappelé : «à partir des informations détenues par le greffe, nous arrivons à détecter les difficultés en amont et nous pouvons convoquer les entreprises à un entretien avec un juge du tribunal». Le tribunal de commerce de Paris a ainsi adressé l’an passé pas moins de 2 500 lettres de convocation à un entretien de prévention-détection.
Des procédures amiables confidentielles
La conciliation et le mandat ad hoc, qui sont deux procédures amiables et confidentielles, constituent la deuxième étape de ce dispositif de prévention des difficultés. «C’est l’entreprise qui choisit le conciliateur ou le mandataire ad hoc», a rappelé Hélène Bourbouloux, administrateur judiciaire et associée gérante du cabinet FBH. «Il est important que le chef d’entreprise en rencontre plusieurs, afin de choisir celui avec lequel il se sent suffisamment à l’aise pour partager toutes ses difficultés» et ce dernier «peut demander à changer de conciliateur ou de mandataire ad hoc à tout moment». «Notre crédibilité tient à notre indépendance», a-t-elle ajouté, «nous ne sommes pas le conseil de l’entreprise», qui peut se tourner vers un avocat.
L’avocat, conseil du chef d’entreprise
«Le conciliateur ou le mandataire ad hoc est le garant des équilibres et le chef d’orchestre de la procédure», alors que « l’avocat épouse la cause de son client», a souligné François Kopf, avocat spécialisé en restructurations, associé du cabinet Darroy Villey Maillot Brochier. «Dans un contexte très anxiogène, l’avocat aide le chef d’entreprise à décoder ce qui se passe et lui apporte sa technicité juridique – sur des contrats ou des opérations de financement qui peuvent être complexes, par exemple, ou lors de la rédaction du protocole d’accord –, ainsi que l’expérience qu’il a acquise sur des dossiers similaires».
Des procédures ni systématiques ni toujours adaptées
«Le juge peut refuser de mettre en œuvre ces procédures de prévention, notamment, si la cessation de paiement est avérée à moins de 15 jours, ou s’il estime que ce sont en réalité des mesures dilatoires pour repousser l’ouverture d’une procédure de sauvegarde», a pointé Dominique-Paul Vallée, juge au tribunal de commerce de Paris.
Un autre dispositif peut par ailleurs être activé par le chef d’entreprise si les difficultés proviennent de problèmes de liquidités et engendrent des tensions avec les banques : la Médiation du crédit proposée par la Banque de France. Enfin, «certaines situations se prêtent mal aux procédures de prévention», a relevé Hélène Bourbouloux, «et il faut bien faire attention à cela parce que l’on peut perdre des chances en procédures collectives» : la procédure de sauvegarde, si l’entreprise n’est pas en état de cessation des paiements, le redressement ou la liquidation judiciaires, si l’entreprise est en état de cessation des paiements.
Un processus fondé sur l’adhésion de tous
Qu’il s’agisse de conciliation ou de mandat ad hoc, «le temps est le fil conducteur de l’opération», a rappelé l’administratrice judiciaire. «Plus le temps passe et plus le nombre d’interlocuteurs au courant des difficultés de l’entreprise augmente, et plus la confidentialité de la procédure est mise à l’épreuve». C’est pourquoi «il faut savoir s’arrêter» si le processus ne réussit pas à faire émerger les bonnes solutions. «Un processus amiable est fondé sur l’adhésion de tous», créanciers et débiteurs «c’est au conciliateur qu’il revient de gérer les rapports de force», dans la mesure où les intérêts des uns et des autres sont divergents. En cas d’incapacité à trouver un accord, ce dernier peut d’ailleurs agiter la menace de la procédure collective pour pousser les parties à adhérer. «La prévention est une procédure du collectif, contrairement aux procédures collectives qui sont subies par les acteurs économiques», a-t-elle conclu.